Montréal, 9 décembre 2019
Communiqué de presse
Les nombreuses erreurs de Léo-Paul Lauzon au sujet d’Hydro-Québec
Dans son texte « Hydro vise un profit de 2,7 milliards de dollars : qui devra payer ? », le chroniqueur Léo-Paul Lauzon commet de nombreuses erreurs dans ce qu’il avance au sujet d’Hydro-Québec.
Erreur 1 : « Dans cet article du Journal de Montréal, on apprend que les prix obtenus à l’exportation d’électricité ont chuté à 3,5 cents le kilowattheure, comparativement à 4 cents l’année dernière. Les prix obtenus ont même baissé à 2,9 cents/kWh. […] Est-ce que vous pouvez bien me dire où Hydro va aller chercher son fric, sachant que les prix à l’exportation seront encore déficitaires au dernier trimestre… »
D’abord, rappelons qu’il est complètement faux que les exportations d’Hydro-Québec sont déficitaires ; elles ont plutôt rapporté plus de 7 milliards à la société québécoise depuis 2006. De plus, lorsqu’il affirme que « les prix obtenus à l’exportation ont chuté », Léo-Paul Lauzon omet de mentionner que la stratégie de couverture de l’entreprise a permis d’atteindre 4,4 ¢/kWh après trois trimestres, en hausse par rapport à l’année dernière.
Ensuite, on ne peut pas faire de comparaison entre le prix coûtant du kilowattheure vendu au Québec et celui du kilowattheure exporté. En effet, sur le marché du Québec, ce coût comprend absolument tout : la production, le transport par les lignes à haute tension, la distribution dans nos quartiers, le service à la clientèle, etc.
Dans nos marchés d’exportation, le prix coûtant revient à ce qu’il en coûte de produire l’électricité et de la transporter jusqu’à la frontière. Par la suite, les électrons empruntent un autre réseau de transport, puis un réseau de distribution voisin, pour finalement arriver chez un client. Ces coûts sont assumés pas d’autres entreprises. Au final, un Torontois paie deux fois plus cher qu’un Québécois pour son électricité, alors qu’un New Yorkais paie quatre fois plus cher. Les Québécois sont les bénéficiaires de ces ventes sur les marchés extérieurs.
Erreur 2 : « Si exporter à, disons, 4 cents/kWh est rentable pour Hydro-Québec, alors pourquoi nous vend-elle notre électricité, à nous, clients résidentiels qui sommes les véritables propriétaires de cet instrument collectif, à environ 10 cents/kWh en incluant la ridicule redevance mensuelle d’abonnement? Il faut oublier les premiers tarifs à 4 cents/kWh, qui couvrent à peine l’utilisation du toaster et du frigidaire. »
En ce qui concerne la redevance d’abonnement, elle n’a rien de ridicule : elle vise à assurer une équité entre les clients en couvrant une partie de leurs frais fixes. Elle ne reflète qu’une partie de ce qu’il en coûte réellement pour assurer le raccordement de chaque résidence au réseau, que les clients consomment ou non de l’électricité. Pour ce qui est de la première tranche de consommation, elle est passée de 30 à 40 kWh par jour dans les dernières années, ce qui permet aux Québécois de bénéficier de très bas tarifs pour un pourcentage encore plus grand de leur consommation, bien plus que « l’utilisation du toaster et du frigidaire ».
Erreur 3 : « Attention: pour les clients résidentiels qui paient le gros prix de 10 cents/kWh, il faut ajouter à cela la TPS et la TVQ de 15 %, que les corporations n’ont pas à payer, et additionner l’impôt sur le revenu. L’électricité n’est pas, pour les clients résidentiels – vous et moi –, déductible d’impôt, alors qu’elle l’est pour les compagnies. On doit donc payer en premier lieu nos impôts aux gouvernements et, après, l’électricité. Si on prend un taux d’impôt combiné fédéral-provincial de 40 %, alors notre électricité nous revient à environ 20 cents/kWh, et ça, c’est un fait. C’est effectivement ce qu’on doit payer. »
Lorsqu’il affirme que « notre électricité nous revient à environ 20 cents/kWh », M. Lauzon prend un raccourci surréel. En suivant cette logique, on pourrait également dire que le Journal de Montréal ne coûte pas vraiment 1,17 $, mais qu’on le paie plutôt 2,34 $. Sérieusement, il est tout indiqué de rappeler que les tarifs résidentiels d’Hydro-Québec sont les plus bas de l’Amérique du Nord. La facture d’électricité au Québec est près de deux fois moins élevée qu’à Toronto et quatre fois moins élevée qu’à New York.
Erreur 4 : « …elle continuera à faire de gros cadeaux, sur votre bras, aux centres de données comme Amazon et Google, aux producteurs en serre de légumes et de cannabis, aux grandes entreprises, aux centres de ski, aux minières et aux forestières… »
Pour ce qui est des prix que paient les centres de données, les serres et les autres entreprises, aucun « cadeau » ou tarif préférentiel n’est consenti à ces clients. Les tarifs sont réglementés et ils sont les mêmes pour tous les clients dont la puissance est comparable. Dans les faits, ce sont les clients de grande puissance et les clients d’affaires qui financent une partie de la facture de la clientèle résidentielle. C’est ce qu’on appelle l’interfinancement. « L’interfinancement consiste à pratiquer des tarifs plus élevés que les coûts incluant rendement sur une ou plusieurs classes de consommateurs afin de financer des tarifs plus bas que les coûts pour une ou plusieurs autres classes de consommateurs. En ce qui concerne les tarifs d’Hydro-Québec, ceux-ci démontrent un interfinancement favorable aux clients résidentiels », explique-t-on dans ce document déposé auprès de la Régie de l’Énergie.
Erreur 5 : « Afin de mieux vous conditionner l’esprit, les « boss » d’Hydro ont eu un éclair de génie. Ils ont mis en place, en 2018, le système novateur de la tarification dite « dynamique » qui fait boum. Si la population utilise moins d’électricité aux heures de pointe, soit de 6 à 9 h le matin et de 16 à 20 h le soir, alors vous paierez moins cher. Merveilleux ! Il faut se dépêcher de s’inscrire à ce nouveau programme tout simplement révolutionnaire. L’ex-ministre libéral Claude Béchard – malheureusement décédé – avait quant à lui suggéré à la plèbe de baisser le thermostat et d’ouvrir les rideaux. D’autres experts ont suggéré de prendre seulement une rapide douche par semaine, et surtout pas un bain, à moins de le prendre en groupe. J’ajouterai de ne pas oublier de porter vos « combines », votre « capine » et vos mitaines en tout temps, à l’extérieur comme à l’intérieur. »
Enfin, M. Lauzon se trompe en ce qui concerne la tarification dynamique. La pointe hivernale nous oblige à faire des achats d’électricité supplémentaires pour faire face à la centaine d’heures plus froides de l’hiver. La tarification dynamique, tout comme les mesures d’efficacité énergétique en général, est une solution gagnante pour tous qui peut permettre aux clients d’économiser et à Hydro-Québec de faire plus avec les mêmes ressources hydroélectriques. Précisions que l’idée n’est certainement pas de « prendre seulement une douche rapide par semaine », mais plutôt de déplacer sa consommation, seulement si c’est possible. Rappelons que l’inscription se fait sur une base volontaire.